9 mai 2024
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EURYALE - SOUF.F.RE

-Par Delphine Gaston & Alexandre Farret-

Euryale, chanteur prophète du groupe Souf.f.re a bien voulu répondre à quelques questions dans un moment de confidence autour de leur 1er EP «Devotion Connexion» qui est sorti le 28 Mars 2024.

Bonjour, est ce que tu peux te présenter rapidement et présenter le groupe pour ceux qui ne vous connaissent pas ? 

Bonjour, alors je m’appelle Euryale, je suis chanteur prophète du groupe Souf.f.re.  Le projet Souf.f.re est un projet qui vient d’une étincelle basée sur une souffrance intérieure, avec le petit f qui est un débouché sur une énergie créative et du coup explosive avec le soufre, voilà ce qui est à l’origine du projet.  

Je me demandais aussi s’il n’y avait pas aussi un double sens, avec une injonction ? 

Il y a un double sens, en effet, avec l’injonction de souffrir. En fait le terme, c’est un terme qu’on a inventé, qui s’appelle la souffre. La souffre, c’est cette substance créative qui vient d’une souffrance intérieure. Quand tu pars d’une souffrance intérieure,, tu peux soit la renier, c’est la première étape, soit la contempler, c’est la deuxième étape, c’est l’étape dans laquelle sont la plupart des gens aujourd’hui, des jeunes notamment, qui sont très en dépression, et la troisième étape c’est de l’utiliser, d’en faire quelque chose, donc nous on a choisi de promouvoir l’utilisation de la souffrance.  

Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ? 

Ce n’est pas quelque chose sur lequel on communique beaucoup, parce qu’on est plus focalisé sur là où on va plutôt que de là où on vient. On est plus focalisé sur là où on veut arriver plutôt que de raconter la façon dont on s’est rencontré qu’on ne trouve pas forcément très passionnante.  

Vos paroles sont vraiment superbes, entre les rimes et les allitérations, qui écrit?

 C’est moi qui écrit.  

Vraiment bravo alors, parce que c’est autant un plaisir à écouter qu’à lire. 

Je met un point d’honneur particulier à ce que les paroles soient à la fois, en effet, un objet de lecture et un objet d’écoute.  

C’est un plaisir à lire, ça se lit comme on lirait un poème, et c’est différent en plus, c’est agréable. 

C’est une inspiration particulière, j’ai cette volonté d’écrire en français et de mélanger poésie et métal, et depuis que j’ai découvert Baudelaire, le lyrisme de Baudelaire me touche énormément, et j’ai un goût particulier pour la littérature. J’ai un auteur favori, qui peut se ressentir, c’est Damasio, Alain Damasio, un écrivain français de science fiction, qui est incroyable, vraiment. Je recommande d’ailleurs à n’importe qui de lire Damasio, notamment La zone du dehors, qui est un bouquin qui a changé ma vie, que je lis depuis dix ans, et que j’annote, je le décortique comme une bible, et j’ai massacré ce livre. Mais les livres sont des objets vivants, il faut les torturer !

Dans La mémoire dans la peau, vous évoquez les tatouages, est ce que vous en avez ?  

Aucun ! Aucun parce que je ne pense pas que ce soit un morceau qui ne soit limité qu’aux tatouages, on en parle, mais en fait, pour moi, c’est l’expérience et le vécu qui traverse un corps, qui, en fait, l’encre. On peut avoir des gens qui sont très tatoués, sans avoir aucun tatouage, parce qu’ils sont tatoués d’expérience, ils sont tatoués de vécu, et ils n’ont pas forcément un tatouage qui apparaît. Mais en effet je voulais aussi parler de tous ceux qui se tatouent, pour porter fièrement ces roses, ces crânes, ces cœurs, qui avaient besoin de porter leurs déceptions, mais aussi leurs victoires, leurs fardeaux. Souvent le tatouage a un effet cathartique, tout comme le métal a lui aussi un effet cathartique, on brandit sa souffrance à travers des symboles, des beaux symboles. J’avais envie d’un texte absolument pas dans le négatif, vraiment juste sur le tatouage, enfin le tatouage dans le sens de la peau comme parchemin du vécu, en fait.  

Dans Esclave heureux, par exemple, est-ce que vous avez une volonté de dénonciation ? De faire  ouvrir les yeux aux gens ? 

Esclave heureux c’est le texte le plus contrasté et en même temps le plus ambivalent qu’on ait, dans le sens où ce texte peut être lu de plein de façons, soit on le lit de façon cynique et on se dit «Ne m’ouvrez pas les yeux, je préfère être heureux » et c’est une critique, justement, ironique, de la société, soit au contraire c’est un message de sagesse, et j’ai plutôt envie de donner un message de sagesse, dans mon interprétation du texte. Et je ne dis pas que mon interprétation doit être la façon dont les gens interprètent, les gens interprètent comme ils veulent. Mais moi, en fait, c’est vraiment, comment dire, je veux que les gens se disent en lisant ce texte, ok, je peux renoncer à me battre, c’est pas très grave, après tout je me bats pour quoi ? Pour être libre ? Mais être libre dans un monde où on ne peut pas être libre, et en fait tu n’es libre dans rien. Des fois il faut juste accepter, il faut se résigner, et arrêter de passer toute cette énergie négative à se battre contre quelque chose et essayer de créer quelque chose ailleurs, de faire autre chose, soit même d’accepter qu’il y ait quelque chose au dessus de nous, une machine plus grosse que nous, une machine qu’on ne comprend pas, mais qu’on accepte. Mais en même temps j’ai voulu mettre suffisamment de cynisme pour que les gens se disent, il y a quand même une critique sociale, parce que ça ne m’empêche pas moi, de … en fait si je veux ouvrir les yeux je vais voir le vice du monde, mais je pense que le plus difficile quand on voit facilement le vice du monde, c’est de se dire ok, je préfère ne pas voir, je fais le choix de ne pas voir. 

Moi j’y ai vu un peu aussi une relecture du passage biblique, « Bienheureux les simples d’esprit … 

le royaume des cieux leur appartient déjà ». Oui, effectivement c’en est totalement inspiré. Il y a une phrase que j’aime beaucoup et que je met beaucoup en avant, c’est « Au dessus des dieux il n’y a rien », et je ne suis rien donc n’importe qui est au dessus des dieux, tout est au dessus des dieux, à partir du moment où quelque chose est trop important, rien n’est plus important, donc rien est plus important.

Et Combustion Animale, c’est un peu une chanson d’amour, non ? 

Oui. Je pense de toute façon qu’il n’y a que deux énergies créatives sur cette planète, c’est la création, et l’amour. Ces deux seules forces sont vraiment créatives. L’amour après ça s’entend de tellement de façons différentes, mais oui, Combustion Animale, c’est peut être la chanson d’amour de l’album. Mais je voulais vraiment parler de ce qui nous animait, de ce qui brûlait en nous. Et toute la vie, toute l’existence, ce ne sont simplement que des animaux qui brûlent, les calories brûlent, les atomes brûlent, le temps passe, on est en brûlure constante. Et dans Combustion Animale, il y a ce côté énergie, et il y a une métaphore filée, en effet, avec les énergies solaires, fossiles, et même atomiques avec l’électron libre imprévisible, etc, qui sont bien sûr très présents. Mais oui, en effet, c’est une chanson basée sur, un peu, les sentiments amoureux, la liberté aussi, face à ces sentiments là, à ne pas être forcément trop cadré, il y a un côté un peu amour libre, c’est un peu ma vision de l’amour libre.  

Oui, effectivement , j’avais un peu eu cette lecture là, et ça reste de l’amour.  

Oui, quoi qu’il arrive ça reste de l’amour. Mais après on ne reste que des animaux, qui s’aiment, qui se détestent, qui se brûlent, mais qui s’aiment. 

Et je voudrais aussi parler de vos tenues, elles sont superbes, comment les avez-vous choisies ?  Vous les avez cherchées ? On est venu à vous ? 

En fait on est dans un processus qui est d’aller au delà de la musique, on ne veut pas juste faire de la musique, on veut que notre oeuvre soit une oeuvre globale, parce que je n’ai jamais vu le métal comme juste du crin crin, avec de la disto, de la double pédale, et un chanteur qui braille. Dans mes paroles je mets des allitérations, je mets des complications stylistiques, des figures de style, des effets de langage, que je veux pouvoir être consommés sans la musique. Je veux qu’on puisse avoir la musique sans les paroles, et les paroles sans la musique, les visuels sans forcément les paroles et la musique derrière. Et on est même en train de se demander si on ne va pas partir aussi sur un côté un peu performance, théâtre, demain on va tenter une première expérience à l’Atomic Cat, on va faire une petite théâtralisation d’un de nos clips, on va reconstituer, en vrai, une performance issue du clip. Après ces tenues là nous sont venues parce qu’il y a eu aussi une rencontre artistique avec Martian Agency. C’est Martian Agency qui a créé nos costumes, qui sont vraiment magnifiques, et en fait on a fait ça en collaboration, on a échangé l’intention qu’on voulait donner et ce côté futuriste, ce côté blanc aussi parce qu’on en avait marre de ne voir que du noir sur scène, on voulait porter autre chose, on voulait porter du tranché, du contraste, et ce côté futuriste, comment dire, sectaire, parce qu’on pense que les gens ont besoin aujourd’hui de choses très cadrées, ils ont besoin de repères forts, d’identités fortes, et on voulait leur donner la possibilité de se plonger dans notre univers, dans nos costumes et derrière nos masques. D’où la chanson aussi Derrière Le Masque. 

Et au-delà du côté graphique qui est très beau, est ce qu’il y a une signification liée aux  costumes ? 

Il y a des significations un peu pour chaque personnage, je n’ai pas envie de trop en dire là-dessus parce qu’on les a construits un peu pour que les gens … je n’ai pas envie de désillusionner les gens, j’ai envie de continuer à garder du mystère autour de ça, et de certaines choses, parce qu’aujourd’hui on a un problème avec le numérique, c’est que le numérique a désacralisé et démystifié tout, il n’y a plus de mystique, il n’y a plus de mystère, de surprises, de découvertes, on ne va plus au restaurant sans regarder avant sur google avis combien il a, comment il est noté, et ce n’est pas normal, on devrait rentrer quelque part en se disant où je vais, on va voir, on va découvrir, aujourd’hui on ne va plus dans des endroits qu’on ne connaît pas, et c’est un peu dommage.  

Et quel est votre processus créatif ? Comment fonctionnez-vous ? 

C’est très à l’instinct, moi quand j’écris, je me pose dans un bar, je regarde autour de moi, je coupe mon téléphone, ou pas, des fois j’utilise le téléphone pour trouver des rimes, des choses comme ça, qui peuvent venir. Mais en général, ça part de concepts, de lectures qui peuvent m’inspirer, une fois que le texte est fini, il reste dans un coin, puis ensuite on crée un morceau et j’essaye de voir les textes qui peuvent coller, en terme de métrique, en terme d’intention, en terme d’énergie, avec les morceaux qu’on a. Ce sont deux univers très différents, qui sont ensuite greffés de façon extrêmement empirique et aux forceps, parfois ça tranche dans le verbe, ça tranche dans le vers, pour compacter, comprimer, tout ça, et faire coller ça avec la musique, parfois c’est l’inverse, j’en rajoute, j’ai parfois de la place pour en rajouter. Il n’y a pas un processus créatif figé parce qu’on ne s’est pas rencontré il y a tant de temps que ça, donc on évolue, on avance, et je pense que l’on n’a pas fini d’éprouver notre façon d’écrire. On n’a pas encore trouvé notre routine, et en même temps je ne suis pas sûr qu’une routine soit si bonne que ça dans un processus créatif.

Peux tu maintenant me raconter une anecdote, bonne ou mauvaise, de création,  d’enregistrement, ou autre ? 

Il y a un titre, et je ne vais pas dire lequel, on a d’abord enregistré un morceau, ensuite on a placé les voix, et ensuite on a dégagé le morceau, on a laissé les voix telles quelles, on n’a rien bougé, et on a réécrit, totalement différemment, un truc par dessus, et pas du tout le même placement, pas du tout les mêmes intentions, rien du tout. On a fait Docteur Jekyll et Mister Hyde, on avait un humain, qui est devenu un mutant, on a gardé le mutant, on a viré l’humain et on lui a re greffé un humain par dessus, totalement différent. 

Et sinon sur le deuxième morceau, “Dévotion Connexion”, je trouve qu’il y a de petites touches  électro, je trouve ça très intéressant. La batterie est super aussi au passage. 

Je te remercie, on essaye d’avoir un univers, pareil, de textures qui soient un peu plus travaillées que juste une guitare et une batterie mais ça a aussi un coté très efficace d’êtres très épuré et peut être qu’on reviendra à un côté plus épuré, mais pour l’instant on a plutôt préparé un mille feuilles/fraisier, avec beaucoup d’éléments, peut être que l’on reviendra sur des choses plus simples, on va voir comment on évolue, on va voir comment on s’éprouve avec le temps, mais c’est vrai qu’on a envie de créer une identité qui soit de plus en plus affinée, de plus en plus propre à nous.  

Je vous avoue que je ne vous connaissais pas jusqu’au moment de préparer l’interview et j’ai  vraiment eu un gros coup de cœur, que ce soit au niveau des textes comme de la musique. 

Merci beaucoup, ça me touche beaucoup.  

Et sinon est ce qu’il y a quelque chose que je ne t’ai pas demandé et dont tu voudrais parler ?  

Heu … On pourrait parler de beaucoup de choses, je dirai que j’ai envie de dire aux gens d’être en mouvement le plus possible, de voir, faire, découvrir, se bousculer un peu tous les jours. Il ne faut pas non plus qu’ils aient une injonction à être parfaits, je trouve qu’il faut qu’ils acceptent leurs imperfections. Et j’aimerai aussi leur dire de ne pas essayer de voir la vérité dans le visage de l’autre, j’aimerai essayer de leur dire de plutôt se mettre dans leurs yeux, à leur place, derrière leur masque, parce que comme ça ils ne verront jamais la vérité sur un visage mais ils la ressentiront de l’intérieur et je pense qu’il n’y a que comme ça qu’on comprend les autres. C’est vraiment se mettre à la place de, ça a du sens, mais ça a d’autant plus de sens si en se mettant à leur place, tu te mets vraiment à leur place intérieurement, et pas en se disant « Mais c’est quoi la perception qu’il attend ».  

Et pour le prochain concert ? Hâte ? Trac ? Les deux ? Comment vous vous sentez ? 

Trac, pas trop, parce qu’on est trop impatient pour avoir vraiment le trac On a qu’une seule envie c’est de pouvoir marquer les gens, de pouvoir leur imprimer quelque chose, peut être de les surprendre, ou peut être pas, peut être qu’on va les décevoir. Je n’en sais rien en fait, on ne l’appréhende pas du tout avec cet objectif de réussite, on veut juste, nous, pouvoir délivrer la meilleure performance que l’on puisse faire.


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