Thomas & Alexandre, guitariste et bassiste du groupe Qamelto ont bien voulu répondre à quelques questions dans un moment de confidence autour de l’album «Scotoma» qui est sorti le 15 Mars via M&O Music.
Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter rapidement et présenter le groupe pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Moi c’est Alex, je suis bassiste, et moi Thomas je suis guitariste, de Qamelto, on fait du rock, burné, en français. On vient de Clermont Ferrant et le 15 (mars) c’est la sortie de notre premier album, Scotoma.
Comment est-ce que vous vous êtes rencontrés tous les quatre ?
Thomas : Chez la mère du chanteur, qui tenait un bar pour adultes (rires). Non non pas du tout je suis le frère de Jérémy, qui est batteur, donc on s’est rencontré … chez nos parents (rires), j’ai rencontré Raph dans le milieu de la musique, à Clermont il y a quelques années. On a monté le groupe avec d’autres musiciens, le Covid est arrivé, turn over de musiciens mais on est resté tous les trois, on a mis une annonce basique, et Alex, qui venait d’arriver dans le coin, a répondu.
Et toi Alex, tu es dans le groupe depuis quand alors ?
Alex : Je suis arrivé dans le groupe en 2021, en mars 2021 exactement.
Thomas : Et on a commencé à bosser direct parce qu’on s’est dit qu’avec le Covid on pourrait peut-être sortir quelque chose en 2028, 2029 (rires), sortir de chez nous surtout, et faire des concerts.
J’ai vu que Qamelto voulait dire « c’est cool » en zoulou, comment vous avez trouvé ça ? Comment vous avez eu l’idée ?
Thomas : Raph, le chanteur, est professeur de Capoeira, donc tout ce qui est culture afro-brésilienne, c’est sa vie. Ça et le rock&roll. En fait on voulait un nom qui ne soit pas trop dur à prononcer, qui soit facile à lire, qu’il n’y ait pas d’accents, pas de tirets, et qui ait une orthographe un peu choc. On a trouvé ça et ça répondait à tous nos critères.
Où est ce que vous puissiez l’inspiration ? Films, livres, événements de votre vie, actualités ?
Thomas : Bah voilà c’est ça. Non mais sans rigoler, c’est un peu l’idée, on est tous très cinéphiles, et puis après, l’actu, tu ne peux pas empêcher de te la prendre en pleine tête, donc une chanson comme « Légion » par exemple, qui est le deuxième single qu’on sort, je crois qu’on l’a écrite quand ça commençait à être le boxon avec les Gilets Jaunes. Cette rébellion populaire, on a voulu faire une chanson sur ça. Après il y a des personnages qu’on peut croiser aussi, « La plus grosse », on connait tous un gars qui fait tout mieux que toi, qui a une plus belle bagnole, qui casse un peu les pieds à tout le monde, etc, donc on s’est dit toi tu vas prendre ça. Et puis après on aime beaucoup aussi raconter des histoires, donc on fait un peu de tout, pas trop ce qui se fait un peu dans le milieu du rock français, qui est pas mal de dénonciation sociale ou politique. Notre délire, nous, c’est vraiment de raconter des histoires. Et après pour la musique, ça vient comme ça vient.
Tu me dis que vous êtes cinéphiles, il y a des réalisateurs que vous aimez particulièrement ?
Thomas : Moi j’aime bien Audiart, des trucs de vieux (rires), j’ai eu une période Tarantino, beaucoup de films de quand on était gamins, les films tous pourris, genre avec Jean Claude Van Dammme, ça nous fait toujours marrer, avec une certaine nostalgie aussi, j’aime bien Dupieux aussi moi, et toi ?
Alex : Moi j’aime bien Tim Burton, tout son univers.
Thomas : C’est vrai que c’est plus rock que Quentin Dupieux (rires). Après un truc qu’on fait pas mal aussi, c’est prendre, attends par exemple on a une chanson qui s’appelle « Le vengeur », on a pris un fait divers qui s’est passé au Canada, c’est deux frangins qui se rencardaient pour savoir où étaient les pédophiles du quartier, pour les éclater, ils ont fini par se faire attraper, ce qui parait normal, et en fait on est parti de cette idée-là, il y a un petit grain, c’est intéressant, on pourrait en faire quelque chose.
Ok super. Après quel est votre processus créatif justement ?
Alex : On compose un peu tous, on prend une base, et puis c’est surtout Thomas après qui fait le liant avec tout ce qu’on peut lui proposer, ce qui permet une cohérence, une homogénéité dans les compositions.
Thomas : Je veux toujours avoir, et ça peut parfois être terrible, le dernier mot. Si ça ne me plait pas, on continue de travailler. Après Raph écrit beaucoup les textes, je m’occupe en général de la musique, il y a des moments où, comme tout le monde, j’ai des pages blanches. Après Alex a d’autres influences, plus rock et métal, donc quand je ne trouve plus, je lui demande s’il a quelque chose, et à chaque fois qu’on a fait ça, il en est toujours ressorti quelque chose qui nous a permis d’avancer.
Et du coup pour bosser vous faites comment ? Vous vous retrouvez tous les quatre ?
Thomas : Non pas trop, on s’envoies des démos, on habite tous vers Clermont, mais on n’est pas à Clermont même, par exemple entre Alex et moi il y a deux heures de route, donc on est à une heure du point de rencontre. Mais on est en contact toute la journée tout le temps, donc dès qu’il y a un truc qui passe on travaille, moi je l’envoie surtout à Raph en premier, parce que si le chanteur n’aime pas trop et dit je ne vois pas de quoi je peux parler, tu sais que pour l’instant c’est mort. Donc on fait ça et une fois qu’on est relativement d’accord, sur plus de la moitié de ce qu’on veut faire, on passe aux deux autres, on bosse et on teste ça en répet’. Là ça change des logiciels, on voit ce que ça rend et ça passe ou ça ne passe pas, on voit ce qu’on peut changer et on retravaille. Et on fait souvent ça, démo/répet’/démo/répet, etc. Et enregistrement.
J’ai vu que vous faisiez beaucoup beaucoup de concerts, vous n’êtes pas trop fatigués ?
Si ! Après si on ne faisait que des concerts dans un rayon de cent kilomètres ça irait mais ce n’est pas le cas …
Oui, j’ai vu que vous bougiez beaucoup.
Thomas : Bah c’est notre métier, on est intermittents, donc du coup on fait … pas le choix, et puis il ne faut pas se mentir, on ne fait pas de la musique pour rester dans un bureau, donc c’est très bien, on est très heureux de pouvoir faire énormément de dates. C’est fatiguant mais c’est de la bonne fatigue, tu sais ce que tu as accompli quand tu rentres à quatre heures du matin de … Maubeuges (rires).
Du coup est ce qu’il y a un ou des endroits où vous avez particulièrement aimé jouer ? Vous avez une salle préférée ?
Thomas : La release du 2 mars, c’est une petite salle à côté de chez nous, c’était blindé, la majorité des gens qu’on a invité sur l’album ont pu venir, donc total partage, les gens qui avaient participé au Ulule étaient là en majorité aussi, eux ils avaient eu l’album en avance, ce qui fait qu’ils avaient pu écouter un peu et la réponse était super bien, on a passé une soirée vraiment top. C’était vraiment un super concert. Apres les concerts marquants, il y a eu le Puy de Dôme, avec 25 000 personnes, donc évidement ça c’était cool, surtout pour le fait de l’avoir fait, c’est passé très vite, il faisait très chaud, après on a une bonne vidéo de 25 000 personnes qui crient « Ferme ta gueule », c’est rigolo, mais pour moi en termes de concert référence ça serait plutôt la release, c’est vraiment très chouette, très cool.
Et est ce qu’il y a une salle ou un festival où vous aimeriez particulièrement jouer ?
Thomas : Bah en France il n’y a pas vraiment de festival de rock métal intéressant (rires), non sans rire quand tu fais du rock ou du métal tu veux aller à Clisson, obligé. Après on aimerait bien aller jouer à l’étranger, dans des pays qui aiment la langue française, à une période on pensait à la Russie, mais bon ça va être repoussé un petit peu (rires).
Et du coup vous avez déjà joué à l’étranger ?
Thomas : Non, pas encore, c’est compliqué, et puis en plus on ne démarche pas, l’idée c’était vraiment de sortir un EP, un premier album, pendant le Covid mais c’est passé à la trappe, comme pour beaucoup de personnes, mais actuellement on ne cherche pas pour l’étranger, on préfère faire déjà nos marques ici, avoir dans notre pays des gens qui comprennent ce qu’on a à dire, et une fois qu’on aura ça, alors ça bougera un petit peu. Apres on a contacté quelques personnes il y a environ six mois, mais comme tu n’as encore rien sorti, les mecs ne vont pas te proposer quelque chose, ce qui est normal, on verra bien comment ça se passera après.
La pochette de votre album est super sympa, comment vous avez eu l’idée ?
Thomas : En fait c’est une idée qu’on a eu en bagnole, on discutait de comment on voulait sortir cet album et la question principale qui s’est posée c’est, est ce qu’on sort un album en physique, ou est ce qu’on ne le sort qu’en numérique. Du coup on est parti sur le côté physique, et on s’est dit quitte à faire un truc physique mais que les gens ne vont pas forcément écouter en physique, comment on pourrait se débrouiller pour faire un objet qui serve à quelque chose, qui ne soit pas juste rangé. Et comme les gens n’arrêtaient pas de nous demander si on sortait un vinyle, et qu’on ne voulait pas parce que l’album fait presque cinquante minutes, on s’est dit on va faire un truc mastoc, donc ça fait la taille d’un vinyle, on s’est dit on va faire un truc de cette taille-là, pour que t’en aies pour ton pognon, en fait, tout bêtement.
Je trouve que c’est une super bonne idée, et je n’avais encore jamais vu ça.
Thomas : Ah oui on est les premiers ! On a cherché et on a trouvé cette idée.
C’est top de se démarquer comme ça.
Thomas : Oui du coup c’est aussi un objet de décoration, tu peux l’accrocher au mur si tu n’as pas d’électricité pour l’écouter (rires).
Et sinon, Scotoma, le nom de l’album, j’ai regardé ce que ça voulait dire, comment vous avez eu l’idée ?
Thomas : Je trouve que ce prénom est vraiment fabuleux, mais bon je ne suis vraiment pas objectif. Non en fait moi j’aime bien, dans la musique que tu écoutes, quand tu connais super bien, attends je te donne un exemple, j’ai écouté 14 000 fois « And Justice for All » de Metallica, et la 14 001eme fois, là j’ai entendu un truc en plus. Et tu vois, cet effet-là, qui te donne l’impression que tu n’as pas encore tout compris, moi j’adore ça. Et donc dans l’idée, on essaye de faire toutes ces choses-là, pour que quand tu tilts, tu te dises, ah ouais les mecs ont voulu faire ça. Et donc « Scotoma », quand on a écrit le mal, le monde à l’envers, et toutes les chansons qu’on a, ça parle quand même de gens pour qui la réalité est difficile à accepter. Apres j’ai tapé ça et je suis tombé sur le mot français, qui s’appelle la scotomisation, c’est une maladie mentale qui fait que c’est un déni de réalité, et en fait en voyant ça, je gratte un petit peu et je vois que le scotome c’était une tache, et on est parti sur ça, on a simplement pris la racine latine, on s’est dit c’est double sens, ça correspond plus ou moins à ce qu’on a fait, on voulait faire une peinture pour l’album, la tache de Rorschach, comme ça tout s’imbriquait, ça fait quelque chose de complet.
Vous avez déjà un peu répondu, mais est-ce que vous voulez faire passer un message, dénoncer quelque chose, avec vos chansons ?
Thomas : Dénoncer non, je ne pense pas, mais il y a l’idée de faire des histoires, avec Alex par exemple on est fan de Kaamelott, donc on a écouté beaucoup d’interviews d’Alexandre Astier, et on s’est rendu compte que c’est un type avec qui on a vachement de choses, je ne vais pas dire en commun, mais on est d’accord. Le premier truc qu’il dit, et quand tu prends Kaamelott au départ, mais même après, c’est qu’en fait il te raconte vraiment une histoire. Que ce soit sur une histoire de trois minutes ou sur un épisode de cinquante-deux, on s’est rendu compte que c’est ça qu’on aime faire. Mais à côté Légion, c’est plus le côté mais rendez-vous compte ! Rendez-vous compte, tout le monde est tout seul chez lui mais si on se met tous ensemble on les retourne. Apres ce n’est pas non plus trop revendicatif, comme fait beaucoup le rock français depuis les années 80, parce que je pense que quand tu regardes le monde, tu ne peux pas avoir envie que ça reste comme ça, mais des histoires, toujours tourné sous la coupe de l’histoire.
Maintenant est ce que vous pouvez me raconter une anecdote, bonne ou mauvaise, de concert ?
Thomas : Ah la Sainte Foire ! Qui porte super bien son nom. C’était cet été, on est allé jouer dans un festival, qui s’appelle donc la Sainte Foire, on a été reçu extrêmement bien, c’est un festival un peu alter-mondialiste, et en fait le mec n’avait pas l’autorisation de faire le festival (rires). Donc sur le passage où on fait une chanson du premier EP, qu’on joue tout le temps, c’est « Ferme ta gueule », et sur le passage où on avoine les flics, on voit se pointer une petite compagnie de gendarmes, qui, gentiment, nous crient dessus, puisque c’est nous qui jouons, d’arrêter le concert. On est obligés d’arrêter de jouer, ça part complètement en vrille avec les organisateurs, ça dure genre un quart d’heure, vingt minutes, et puis on peut reprendre le concert. On commence et là orage, instantané, premières notes, tout tombe. Fin de la soirée. On était censé jouer une heure et demi je crois, on a joué vingt minutes. Donc te faire arrêter, par des flics, pendant que tu joues, je pense que les anglais des années 60 ont du avoir ça aussi, et pour nous ça c’est fait (rires).
Et enfin est ce qu’il y a quelque chose que je ne vous ai pas demandé et dont vous voudriez parler ?
Thomas : Bah il faut lui filer sa chance à cet album, et vous pouvez aller regarder le clip qu’on a fait pour « La plus grosse », on est très très fiers de ce clip là, ça peut faire bien rentrer dans notre univers parce que ça reste punchy mais on n’est clairement pas les plus malins dans ce clip-là, toujours un peu d’humour, et puis après c’est gratuit sur les plateformes alors …
Oui, je l’ai vu ce clip, j’ai vu que vous aviez fait un appel pour des participants, ça s’est bien passé alors ?
Thomas : Oui carrément, c’était super, il fallait qu’on sorte un deuxième clip, on avait tourné le premier et on s’est rendu compte que l’idée qu’on avait eue ça n’allait pas le faire du tout, notamment en termes d’argent, et c’est Raph qui a eu l’idée de se dire est ce qu’on ne ferait pas, comme c’est pour Légion, qui est un truc rassembleur, un clip où on demanderait aux gens de venir filmer, mais on ne leur dit pas, on ne les prévient pas. Donc on a fait un appel à candidatures, on a fait ça dans une salle du coin, on a mis une petite annonce au début, on leur a fait écouter la chanson et on leur a dit tous ceux qui ont genre des iPhones vous sortez vos téléphones et filmez. Et l’idée était trop cool, et dans l’idée de fédération, en fait, tu ne peux pas faire plus que de demander aux gens qui sont là de t’aider à t’aider à faire en sorte que tu aies un clip.
Et alors, par curiosité, c’était quoi la première idée, que vous avez abandonnée ?
Thomas : Oh la la les idées ça fuse tellement, on est tout le temps en voiture, ça part dans tous les sens, je ne sais même plus …
Alex : On était partis sur une idée de manifestation, filmée pendant les manifs qui avait eu lieu pour les agris.
Thomas : C’était un peu le boxon à Clermont, y’avait des lacrymos entre autres, et on n’a pas eu le temps, on devait être en concert certainement (rires) et du coup on a dû trouver une autre idée, et tant mieux en fait, le tournage s’est extrêmement bien passé, on a juste du changer la salle, on n’avait pas le droit niveau sécurité, on a mis la scène au milieu, et les gens en fait n’avaient jamais vu ça, donc ils se sont pointés on leur dit c’est vous qui filmez.
Merci pour cette interview.
Thomas & Alex : Merci à toi, c’était très agréable.
Par Delphine Gaston & Alexandre Farret – Photos de Enzo Cirillo