Interview avec Peter Scheithauer de Last Temptation
Interview avec Peter Scheithauer guitariste et membre fondateur du groupe Last Temptation, pour la sortie de leur nouvel album « Heart starter » le 22 novembre 2024.
Bonjour et merci de nous accorder cette interview pour Métal Rock Magazine.
Est-ce que tu peux te présenter et nous parler du style musical du groupe ?
Moi, c’est Peter, le guitariste. J’ai fait la majeure partie de ma carrière aux États-Unis avec des musiciens américains plus ou moins connus.
Le style du groupe ? On est passé du heavy au hard rock. Pas par choix, mais par une sorte de logique, en fonction des riffs que je ramenais. Je reviens aux sources de ce que je faisais avant ou de ce que j’écoutais. Avant, j’avais un groupe très « Pantera » aux États-Unis, avec David Ellefson de Megadeth.
Mais mes premières influences, c’était Van Halen, Skid Row, Def Leppard. J’ai grandi avec ça, et ces influences sont toujours là. Cet album, par rapport aux deux précédents, va plus loin dans cette direction. C’est parti comme ça, alors pourquoi se battre contre ça ? Ça ne sert à rien de se forcer, il vaut mieux rester naturel.
L’album sort le 22 novembre, avec une précommande le 11 octobre. Comment te sens-tu ?
Très bien ! Pas trop nerveux pour l’instant, plutôt excité. J’ai hâte d’avoir le vinyle en main, en plus c’est moi qui ai choisi la couleur. Elle ira parfaitement avec la pochette. D’ailleurs, on me demande souvent pourquoi le désert avec une boule de cristal.
En fait, j’ai passé tout mon hiver dans le désert californien, et ça m’a beaucoup influencé. Ce n’est pas un clin d’œil au « desert rock », mais j’ai vécu longtemps aux États-Unis, moitié en Europe, moitié là-bas. Puis on a eu la chance d’avoir le Covid (ironie), donc je suis resté en Europe parce qu’on ne pouvait plus voyager. Quand j’y suis retourné, j’ai loué une maison dans le désert, près de Joshua Tree. C’est immense, très isolé, et il y a pas mal d’artistes qui y vivent. Le gars qui a fait la pochette est d’ailleurs le guitariste des Psychedelic Furs, un groupe anglais de new wave des années 80. Plus loin, il y a Wes Borland, guitariste de Limp Bizkit, et un studio qui appartient au clown de Slipknot. Donc, il y a beaucoup de monde dans le désert.
Il y a quelque chose de magique… à part les aliens ! Parce que si tu parles aux locaux, ils ont tous vu une soucoupe volante. Mais bon, si tu restes trop longtemps là-bas, tu finis par aimer la tequila, et à force, tu vois aussi des soucoupes volantes !
Tout est vaste, le ciel semble infini, et il fait presque toujours beau, donc pas de nuages. C’est féérique.
Le Nevada, c’était comment pour le tournage du clip de « Get on Me » ?
Ah ouais, c’était d’enfer. Comme je disais, j’avais cette maison en Californie à trois heures de Vegas. J’ai appelé mon éditeur et je lui ai dit : « Tu voulais faire un clip ? On va faire un clip. Fais venir le groupe aux USA. » Et il a trouvé que c’était une bonne idée. J’ai cherché une ville fantôme, et j’en ai trouvé une : Nelson Ghost Town. Si tu crois que le désert, c’est au milieu de nulle part, là c’est encore pire !
Tu arrives dans la ville par une route, et après, la route s’arrête, il y a une rivière, et de l’autre côté, c’est le Nevada. Ce qui était marrant, c’est qu’on changeait d’heure en roulant un peu plus loin, alors on pensait avoir perdu des heures de tournage avant de réaliser qu’on changer de fuseau horaire.
Petite anecdote, les gens de la ville fantôme nous ont dit de ne pas trop nous balader, car il y a des disparitions…
Dans le clip, ça ne se voit pas, mais on se gelait. Il faisait 6 degrés. Le pauvre Fabio (le batteur du groupe) était en t-shirt ! Chapeau à lui, il n’est même pas tombé malade.
À la première écoute de « Heart Starter », vous m’avez transporté directement dans les années 70 : les USA, les choppers, les festivals de l’époque. C’était l’effet recherché ?
Exactement ! J’ai vécu 15 ans à Los Angeles, puis du côté de Nashville. Donc tout ce qui est choppers, festivals de bikers, ce sont des gens que je côtoyais à L.A. Même en tournée, les Hell’s Angels sont souvent agents de sécurité. J’ai grandi dans cette culture.
Loup (le chanteur) qui écrit les paroles, a cette voix de classic rock. Lui aussi a été bercé par ça et par la country. Sa manière de phraser est très différente des chanteurs européens.
Oui, je suis d’accord. Par moments, j’avais l’impression d’écouter du Aerosmith ou même du Mötley Crüe.
C’est dans cette lignée. Loup aime bien les groupes un peu plus roots. Même scéniquement, il adore Steven Tyler. Il a cette influence naturellement, étant Canadien. Moi, depuis que je suis gamin, j’écoute ZZ Top, Kiss, Aerosmith, tout ce qui est musique américaine. On a été bercés par ça, donc quand je lui envoyais des riffs, il avait le même ressenti que moi. Pour lui, c’est facile de chanter là-dessus.
Comment travaillez-vous ensemble ?
En général, je compose le morceau musicalement, puis je l’envoie à Loup, qui commence à travailler sur la mélodie. Parfois, il fait des essais en yaourt (mots improvisés), puis il me le renvoie. En général, ça marche. Mais pour un ou deux morceaux, j’ai été un peu plus exigeant sur les refrains, parce qu’on voulait vraiment que les gens les retiennent. C’était primordial. Dans n’importe quel style de musique, ce sont les refrains qui comptent.
Pourquoi Slayer est Slayer ? Peut-être que c’est du thrash, mais ce sont des morceaux reconnaissables, avec des riffs que tu ne peux pas oublier. Comme « Jump » de Van Halen.
On voulait un album assez court, qui donne l’impression d’écouter la radio. On ne voulait pas que les gens s’ennuient ou qu’ils aient l’impression d’entendre 10 fois le même morceau. Ça, il n’y a qu’un groupe qui peut le faire, et ils remplissent Longchamp !
D’ailleurs, c’est les seuls qui peuvent se le permettre.
Exactement, et pour le prochain album, on aimerait travailler encore différemment.
Tu travailles déjà sur le prochain album, alors que celui-ci n’est même pas encore sorti ?
Tout à fait. Ça, c’est moi. Je me lève à 4h du matin. Je fais semblant d’être une rockstar victime du rythme, mais en réalité, je ne suis ni une rockstar ni une victime. C’est juste que je n’arrive pas à dormir plus longtemps, alors autant faire quelque chose d’utile.
Un peu comme Amélie Nothomb, qui se lève tous les jours à 4h pour écrire ?
Je ne me force pas. Si un jour, je vois mes guitares et que je n’ai pas envie de les toucher, je ne les touche pas. Je vais jouer à Mario Kart à la place !
Mon personnage préféré, c’est Yoshi.
Du coup, tu as bien aimé le film ?
Ah oui ! À la fin, il y a l’œuf de Yoshi, donc je pense qu’il y aura un film dédié à Yoshi. Attends de voir tout le merchandising qui va suivre !
C’est quoi ton morceau préféré sur l’album ?
J’en ai plusieurs ! Si je devais faire mon commercial, je dirais « I Want Love You ». Pour moi, ce morceau passera bien aux États-Unis. Le riff me tient à cœur. J’aurais aussi pu te dire « Get on Me », que j’adore.
Au départ, le riff du milieu sonnait très Led Zeppelin, mais avec un son actuel. Je me demandais comment Loup allait l’aborder, et il est arrivé avec quelque chose de fabuleux. Ce qu’il ne sait pas, c’est que, lors du mixage avec l’ingénieur du son, j’ai pris son refrain et je l’ai mis au début du morceau. Je trouvais que ça faisait une super intro.
Tout à l’heure, tu disais que ton morceau marcherait mieux aux États-Unis. Est-ce qu’il y a vraiment une différence entre les USA et l’Europe ?
Notre musique, ce genre de musique, c’est de la variété aux États-Unis. Kiss n’a jamais été un groupe de métal, ni même Aerosmith. En gros, c’est leur « Annie Cordy », Kiss.
En Europe, et surtout en France, on a la variété. Aux États-Unis, leur variété, c’est le country et le classic rock. Pour eux, c’est normal. En France, si tu mets du hard rock et que tu parles du Hellfest, les gens pensent directement à des satanistes.
Aux États-Unis, j’ai vu Slayer jouer avec un groupe de power metal, et personne n’était choqué, parce que ça fait partie de la culture rock là-bas.
Ici, on aime bien tout mettre dans des cases, et ça nous tue. Aux États-Unis, la scène musicale est toujours là, et ce qui est impressionnant, c’est qu’ils s’entraident. Il n’y a pas ce côté « ils se croient meilleurs que moi ». On n’a pas ça ici. Bon, c’est aussi la faute des médias.
Quand tu vois Gojira, ils sont décriés ici. Je ne suis pas fan, je ne les écoute pas tous les jours, mais c’est une grosse machine qui marche bien à l’étranger. Alors poussez-les aussi en France ! Là, ils vont faire une tournée française, mais tu vois bien que les médias restent réticents, alors que ces gars-là ont ouvert les JO !
Oui, je suis plutôt d’accord avec toi. Je pense qu’ils sont beaucoup plus reconnus en France depuis les JO.
Ça a choqué beaucoup de gens, et c’est dommage. Pourtant, c’était la meilleure partie de la cérémonie d’ouverture, comparée à d’autres moments.
Pour faire la différence, en France, on a Aya Nakamura, et aux États-Unis, ils ont P!nk.
Le fait que Gojira soit à l’ouverture des JO, c’était un événement. Mais aux USA, ça n’en aurait pas été un.
Regarde le Super Bowl : il y a déjà eu des groupes de métal qui ont fait le show, et ça ne choque personne. En France, si tu fais ça, c’est la cata. On associe tout de suite ça au satanisme, sans même connaître la musique.
D’ailleurs, ces gens n’ont sûrement jamais vu « L’Exorciste ». C’est vraiment dommage qu’on ait encore cet état d’esprit ici.
Qui dit nouvel album, dit tournée. Alors, vous allez faire le tour du monde ?
On aimerait bien (rires). On a des dates prévues en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Pour la France, c’est en discussion. On essaie aussi de programmer des dates aux États-Unis. Attention, pas une tournée complète, parce qu’il faut être fou pour le faire.
Une tournée aux USA, ce n’est pas toujours un plaisir. Je l’ai déjà fait, et il faut vraiment aimer ça. Moi, j’aime, mais je ne me vois pas le refaire tout de suite, à cause des coûts et des distances énormes.
Mais on veut essayer de jouer un peu partout cette fois-ci. On a un tourneur qui travaille sur la France, un autre pour l’Europe qui essaie de nous faire jouer en Scandinavie, parce que notre style plaît là-bas. En Angleterre, c’est compliqué, et avec le Brexit, est-ce que ça vaut vraiment le coup ?
Pour les festivals, on en fera quelques-uns, juste pour la visibilité. Mais je ne pense pas que les festivals aient un impact énorme sur ta carrière. C’est important d’y être pour se montrer, mais pour certains groupes, ce n’est pas la solution. Même pour les fans, d’ailleurs.
Pour certains concerts, je préfère les salles. C’est une autre ambiance. Par exemple, j’ai vu Hollywood Vampires au Hellfest et au Zénith, et j’ai préféré au Zénith.
As-tu une anecdote par rapport à l’album ?
Oui, on a fait « Born to Be Alive ». Au départ, on voulait faire une reprise. On a réfléchi, mais je ne voulais pas reprendre un groupe de rock. Pour moi, si tu fais une reprise d’Aerosmith ou d’un autre groupe, tu ne seras jamais aussi bon qu’eux, donc ça ne sert à rien. Le classique reste le classique.
Je voulais un groupe français qui chante en anglais. Déjà, ça réduit les choix, et je voulais que ce soit un morceau que tout le monde connaisse, donc ça réduit encore plus. Puis j’ai pensé à « Born to Be Alive ». C’est un morceau qui m’a toujours mis de bonne humeur quand j’étais gamin. Ça me faisait d’autant plus rire parce que ma grand-mère n’était pas anglophone, et quand elle chantait « Born to Be Alive », elle chantait : « Je suis le boy, je suis le boy ».
Au début, je me demandais : « Mais qu’est-ce qu’elle chante ? » En fait, c’était « Born to be alive, un born, born, born to be alive. Je suis le boy, je suis le boy. »
Donc c’est une petite anecdote sur ce morceau. C’est un clin d’œil à ma grand-mère, mais aussi un morceau fun qui s’intègre bien dans l’album. C’était une période de musique vraiment fun.
Tout le monde connaît en plus.
Oui, je suis curieux de voir ce que ça va donner en live. J’aimerais bien voir tous les métalleux chanter « Born to Be Alive ». Ça serait cool.
Merci infiniment de nous avoir reçus.
Merci à vous.