Depuis maintenant une dizaine d’années, Blood Incantation est un nom qui fait frétiller beaucoup de passionnés de Metal Extrême. Formé en 2011 à Denver dans la très active scène du Colorado, Blood Incantation s’est progressivement hissé comme un des groupes de Death Metal (et bien plus que cela) les plus en vue et attendu à chaque sortie d’album. Comme dit plus haut, Blood Incantation se forme à Denver où se concentre un nombre démentiel de formations incroyables. D’ailleurs les membres de Blood Incantation évoluent aussi dans d’autres formations de haut vol, plus ou moins éloignées de ce que fait Blood Incantation musicalement. Je parle de groupe comme Stormkeep, Black Curse (qui sort son nouvel album fin Octobre), Spectral Voice (qui a sorti un immense album de Death / Doom en début d’année) ou encore Wayfarer (qui a sorti un incroyable album de black atmosphérique l’année dernière). Mais la scène de Denver c’est aussi Khemmis, Of Feather and Bones, Primitive Man et tant d’autres. Denver est une des scènes les plus intéressantes et importantes du Metal récent et Blood Incantation en est un des ses plus fiers représentants.
Dès les premières démo et EP, Blood Incantation est rapidement devenu une sensation underground à suivre de très près, notamment grâce au fantastique EP “Interdimensionnal Extinction” qui nous laissait entendre un Death Metal hyper inspiré, influencé par Morbid Angel ou bien Demilich et à l’esthétique spatiale léchée. Et c’est la confirmation avec le monumental “Starspawn”, sorti un an plus tard, confirmant tous les espoirs que nous pouvons avoir. C’est simple, “Starspawn” est un chef d’œuvre de Death Metal progressif et technique. En moins de 35 minutes, le quatuor distille un Death Metal de très haute volée, qui varie de style sans cesse mais réussit à rester cohérent et arrive à immerger l’auditeur comme peu d’album réussissent à le faire. Après ce fantastique premier album qui mis un coup de projecteur sur le groupe, sort trois années plus tard “Hidden History of the Human Race”, suite tant attendue par toute la scène. Et une nouvelle fois, la formule Blood Incantation prend et une nouvelle fois, le quatuor nous délivre un album passionnant et addictif. Cependant, ce second album n’est pas une redite de “Starspawn”. Les membres de Blood Incantation ne se sont jamais cachés d’être d’inconditionnels fan de musiques électroniques et ambiantes comme Kraftwerk, Klaus Schulze ou bien Tangerine Dream. Le frontman et guitariste Paul Riedl, notamment, sort en parallèle de ses groupes de metal des projets de musiques ambient / électro. D’ailleurs dès les premiers travaux du groupe, des nappes d’ambient accompagnaient le Death Metal furieux du groupe. Et pour ce deuxième album, le groupe viendra beaucoup plus incorporer de passages ambient jusqu’à en faire un morceau complet et en distiller tout au long de l’album et notamment dans le dernier long morceau de 18 minutes. Une nouvelle fois, c’est un succès critique et public et la signature chez Century Media permet au groupe d’atteindre un nouvel auditoire. Et puis seulement deux années après, le groupe annonce un nouvel EP, mais cette fois complètement ambient et instrumental “Timewave Zero”. Beaucoup ont du mal à y croire, jusqu’à la sortie qui divisa profondément les gens. Pour certains c’était un suicide artistique complet et pour d’autres la suite logique amorcée dans les précédents efforts du groupe. Cette parenthèse complètement ambiante ne dure qu’un temps et le groupe que toute la scène aime annonce son grand retour en 2023, avec un maxi 45 tours “Luminescent Bridge”. Ces deux titres rassurent les fans de la première heure mais montrent un groupe qui, une nouvelle fois, a fait évoluer son son. On reste toujours sur du Death Metal progressif mais où l’influence de l’ambient et du rock progressif des années 70 se fait grandement ressentir. Et puis, octobre 2024 arrive enfin et “Absolute Elsewhere”, troisième album tant attendu, est là !
Comme vous pouvez le constater à la taille de l’introduction, Blood Incantation est un groupe qui compte énormément pour moi. De par son style de musique mais aussi par ses visuels et thèmes et puis ce dévouement total à la musique, que ce soit via Blood Incantation ou tout les autres groupes dans lesquels ils jouent. J’attendais ce nouvel album comme personne. Dès l’annonce de la sortie et de la présentation de la magnifique pochette, mon excitation ne fit qu’augmenter jusqu’à la sortie, le 04 octobre 2024. Et comme, c’était l’album que j’attends le plus des ces dernières années, j’ai voulu faire les choses bien ! Je me suis interdit d’écouter la moindre bribe de l’album tant que je ne n’avais pas reçu mon vinyle pour découvrir dignement cet album. Et bien que la tentation fut grande, retrouver ce plaisir de la découverte totale d’une œuvre d’art n’est que trop bon et trop rare, surtout en cette période où consommer de la musique est devenu trop facile et où, à la longue, beaucoup de choses perdent en saveur.
Bon je désamorce tout de suite le suspense, Blood Incantation vient tout juste de sortir un des meilleurs albums de l’année et pour ma part est déjà un album culte. Composé de seulement deux titres “The Stargate” et “The Message”, respectivement de 20:20 minutes et 23:23 minutes, “Absolute Elsewhere” nous embarque dans un voyage cosmique, psychédélique et gargantuesque sans pareil. L’ambition musicale et artistique de cet album est juste renversante et avoir réussi à ordonner et rendre cohérent tant d’influences, de styles musicaux n’est pas donné à tout le monde. En fait, pour ceux suivant le groupe depuis longtemps, ce “Absolute Elsewhere” sonne un peu comme la culmination de ce qu’à toujours souhaité faire Blood Incantation musicalement. Et cela se ressent dès les premiers instants de “The Stargate” où l’on retrouve le Blood Incantation dès le début avec son Death Metal cosmique furieux et atmosphérique avant de nous engouffrer dans cet incroyable passage qu’un Pink Floyd ou un Eloy aurait pu jouer. Ce synthé tout doux qui nous berce avant que nous atteignons une forme de grâce avec ce solo habité qui nous envoie planer aux confins du cosmos. Mais, nous sommes sur un album de Death Metal quand même, la trêve n’est que de courte durée et la dangerosité de ce cosmos nous rattrape et nous étreint de plus belle. C’est dissonant, massif et nous rappelle que nous ne sommes pas grand chose dans cette immensité froide comme le disent les paroles “All life is temporary, what lasts is Consciousness”. Mais le voyage ne fait que commencer et nous nous voyons plongés dans des méandres hallucinants. Ces hallucinations nous sont procurées par Thorsten Quaeschning de Tangerine Dream. Oui, Blood Incantation on réussit à convaincre un des leur “héros” (référence à leur très cool documentaire tourné pendant l’enregistrement), de faire une piste ambiante et planante à la Tangerine Dream. Et puis cet interlude nous précipite vers le passage tant redouté et terrifiant de la porte étoilée. Sur cette dernière section Blood Incantation se fait encore plus massif avec ce riff suffocant, à la Alkaloid ou Obscura, lorsque Paul Riedl scande “Open the Stargate”.
Nous avons passé la porte et découvrons qu’un message nous attend.
Alors que le passage fut terrifiant, nous sommes accueillis par de douces mélodies innocentes et naïves mais ce n’est qu’une façade, des turbulences viennent s’immiscer et perturber cette béatitude. Et sur ce passage, l’influence Morbid Angel suinte de partout. Comme pour le premier titre, “The Message” nous transporte à travers de multiples horizons musicaux et réussit à rendre le tout absolument cohérent et digeste. Le passage typé Pink Floyd est juste phénoménal et aurait largement sa place sur “The Wall” par exemple. Nous voguons entre les passages metal extrême géniaux et brutaux avec des parties ambiantes, psychédéliques prenantes et juste magnifiques pour finir en apothéose grandiose. Avec ce synthé puissant et épique, l’album se clôt magistralement et le côté atmosphérique du groupe ressort de plus belle et nous accompagne vers la fin de cet immense voyage.
Ce qu’à accompli Blood Incantation est juste phénoménal. Réussir à proposer un album aussi ambitieux et qui tient toutes ces promesses relève presque du miracle et pourtant “Absolute Elsewhere” est là et nous ne pouvons que constater le tour de force opéré par le quatuor cosmique. En dehors, du gargantuesque travail de composition, le groupe s’est donné les moyens pour enregistrer et mixer dans les meilleures conditions possibles. Pour cela, ils sont allés au mythique studio berlinois Hansa Studio, fondé en 1965 et qui vit défiler des artistes de légende comme David Bowie, Iggy Pop, Tangerine Dream, Depeche Mode mais aussi Charles Aznavour ou bien Indochine. Et puis, pour l’enregistrement, il se sont associés à Arthur Rizk de Sumerlands ou Eternal Champion et qui travaille au mixage et mastering d’un grand nombre de groupes et est aujourd’hui un des producteurs les plus influents comme Kurt Balou ou Dave Otero.
Bon je pourrais encore en parler des heures mais je pense que la meilleure façon de vous convaincre est d’aller l’écouter par vous même mais personnellement, il est évident que “Absolute Elsewhere” est mon album de l’année et que dans les années à venir, cet album ne sera jamais loin, tant dès la première écoute, je fus totalement conquis et que chaque nouvelle écoute, le plaisir ne fait qu’augmenter. Avec cet album, j’ai véritablement l’impression de vivre la sortie d’un album, qui dans vingt, trente ans et même plus, on continuera d’en parler comme on peut parler d’un “Dark Side of the Moon” aujourd’hui. Merci !
BLOOD INCANTATION – « Absolute Elsewhere »
04 Octobre 2024
Century Media