
Chroniquer la sortie d’album d’un groupe tel que VERSATILE n’est pas chose aisée, tant la richesse musicale et la complexité de l’univers forment une œuvre d’opulence artistique. La formation Suisse, menée et sortie de l’imagination du chanteur Hatred SALANDER, a vu le jour sur les terres de Genève en 2019.
VERSATILE officie dans un horror/black metal industriel aux sonorités parfois death et aux orchestrations épiques et symphoniques. Un lore horrifique et macabre, inspiré de la Cour des miracles et des Catacombes de Paris, dont les protagonistes, majestueusement costumés, lui donnent tout son sens sur scène avec leur visuel théâtral et unique.
Dès l’annonce du nouvel opus, VERSATILE promettait à ses auditeurs, une nouvelle expérience intense et sans précédent qui les plongerait dans les abîmes obscurs de son univers.
Je n’hésite donc pas une seconde à m’équiper de mon fidèle casque d’écoute et je me laisse envahir par les ombres sortant des tréfonds du lecteur de pistes.
L’œuvre s’ouvre sur une instrumentale à glacer le sang. On suit un chemin sinueux sur lequel un brouillard dense étend son emprise malsaine. Les chuchotements de goules se font entendre et transpercent cet épais manteau pour nous attirer vers leurs serres acérées. Une intro symphonique magistralement orchestrée de la main d’Arthur, un proche de Hatred, qui plante un décor lugubre et annonce une suite effroyable.
Une suite qui laisse le premier scream surgir, dès le départ d’ »Enfant Zéro », sur les riffs lourds des guitares et au rythme du martèlement frénétique de la batterie. Le conte macabre est bel et bien lancé. Le chant en français est conservé, ce qui apporte une note d’authenticité sincère et fidèle à ce que VERSATILE proposait sur l’EP Atra Bilis (Time Tombs Productions, 2022). Mélangeant subtilement scream et growls, parfois quelques parlés, la palette de chants s’enrichit d’envolées lyriques bien placées qui ajoutent une dimension oratoire à l’histoire.
Puis la « Régente Blême » apparaît dans un déchirement de cris. Une atmosphère oppressante qui n’aurait de pareil que la noirceur des paroles. Les parties électro, marque de fabrique du groupe, supplémentent la teneur glauque du lore. Les guitares se veulent toujours autant débridées, jonglant entre les mots et les coups de batterie, créant ainsi une folie dissonante de notes puissantes.
Puis « Leshara » s’ouvre sur des chœurs à consonance religieuse. Un moment de calme avant le lourd déchaînement qui n’est pas sans rappeler un univers parallèle qu’est celui de SHAARGHOT.
Et pour cause, une formidable collaboration avec les Shadows, dont Étienne Bianchi, apparaît sur « Alter Ego ». Un titre à la croisée des mondes qui marie le cyber punk à l’horror/black dans un râle anxiogène de respirateur artificiel.
Une mention particulière pour « Cave Canem » et sa résonance tribale à laquelle je suis sensible.
Les promesses ont été tenues. Les trois singles de promotions amorçaient déjà une expérience insolite. Les Litanies du vide cimentent les fondamentaux instaurés par VERSATILE avec ses 10 titres. L’univers lugubre est cohérent et glauque à souhait. La bile noirâtre et les odeurs nauséabondes de putréfaction se laissent ressentir à chaque titre. Ce mélange de styles, qui peut déstabiliser au début de l’écoute pour les non-initiés au genre, ou encore faire polémique au niveau des puristes de chaque branche métal, à le mérite d’être efficace et d’avoir la possibilité de créer un univers bien précis sans contraintes artistiques. Et VERSATILE maîtrise cet art de l’enchevêtrement atmosphérique. Même si certains titres sont plus personnels à l’auteur, notamment « Graisse » dont le morceaux sans compromis est sublimé de parties de clavecin, l’œuvre est une véritable pièce artistique complète qui se déguste d’une traite.
Mettons en lumière, dans cette obscure scène, les parties symphoniques de fond de décor qui trouvent leur place légitime de génitrice d’anxiété malsaine dans ce théâtre de l’horreur. Elles sont redoutables et parfaitement orchestrées, rendant à l’ensemble des morceaux la noirceur du lore.
VERSATILE nous livre un premier album, en autoproduction (crowfounding auprès de la fan base grandissante), hautement technique quand on sait la difficulté d’écrire ne serait ce qu’un bon morceau. Ils ont réussit à créer un univers morbide unique, mêlant noirceur et horreur aux textes à la prose oratoire sépulcrale. Tout y est poussé à l’extrême avec habilité. Un style bien à eux et inclassable par définition.
Un groupe à découvrir à travers cet opus dont le morbide en est la quintessence. Opus dont l’artwork (Leoncio Harmr) illustre parfaitement mon ressenti du début quant au chemin sinueux et sinistre. Frissons ténébreux garantis.
Et pour les avoir vu sur scène quelques fois, je ne peux que vous recommander ce voyage dans cet au-delà sombre et attendre que le rideau se lève pour expérimenter quelque chose de déroutant.
Disponible via le label Les Acteurs de l’Ombre chez qui le quartet suisse a récemment signé.

Artiste : VERSATILE
Album : Les Litanies du Vide
Date de sortie : 11 avril 2025
Label : Les Acteurs de l’Ombre
Line up :
Hatred Salander (chant)
Famine (guitare)
Cinis (guitare)
Morphée (batterie)