Il y a 10 ans, le monde du black metal fut remué par la sortie de “Литоургия” (Litourgiya) d’un obscur groupuscule polonais Batushka alors inconnu de tous. Et grâce à un album aussi mystique qu’énigmatique, une imagerie religieuse catholique orthodoxe évocatrice ainsi qu’un anonymat complet, Batushka a été propulsé aux sommets du style avec seulement cet album. Et puis les concerts du groupe, semblables à de véritables messes où nous étions hypnotisés par ces masses encapuchonnées déclamant nombre de cantiques sur fond de black metal atmosphérique, viennent asseoir la notoriété du groupe. Mais en décembre 2018, deux des membres fondateurs se disputent, chacun clamant être le véritable fondateur du groupe et c’est ainsi qu’une véritable guerre ouverte entre les deux commence. La querelle étant tellement importante qu’elle dépasse largement les sphères du black et dès qu’une news pouvait être faite sur le sujet, personne ne se privait. Il faut aussi se rappeler qu’Internet s’est emparé du sujet en créant nombre de faux Batushka pour tourner en ridicule cette querelle. L’année suivante, les deux entités Batushka sortent un album, chacun montrant sa vision de ce que devait être le groupe. Alors que la situation semblait vivoter ainsi, juin 2024 vit le terme de cette querelle, car le guitariste fondateur gagna son procès et obtint le droit du nom Batushka et donc c’est pour cela que la deuxième entité Batushka s’est renommée Patriarkh.
Bon et bien après tous ces déboires judiciaires, que la hache de guerre semble enfin enterrée, que vaut cette nouvelle version de l’énigmatique entité polonaise ? Et bien de prime abord, nous restons sur les bases que nous connaissons bien, un artwork très religieux (bien que moins marquant), des costumes et une scénographie s’annonçant tout aussi travaillés et enfin un black métal évocateur et mystique.
Composé en huit morceaux nommés “WIERSZALIN” puis d’un chiffre romain et après un spoken word – en polonais – l’album comme véritablement. Et pour les amateurs de Batushka nous sommes en terrain connu, bien que les deux entités soient vraiment différentes aujourd’hui, l’essence propre du projet initial est toujours présente. La véritable différence entre les deux est musicale. Là où Batushka reste dans un black metal atmosphérique très riffé, au chant typiquement black comme pour sa production, Patriarkh vient diluer ce côté black metal frontal au profit de passages plus mid-tempo, de chœurs – notamment féminins – plus appuyés et d’un mix plus propre et puissant.
Bien que séparé en huit pistes, ce “Prophet Ilja” s’écoute d’une traite tant chaque morceau est interconnecté, faisant passer ces quarante minutes en un claquement de doigts. L’album ne souffre d’aucun temps mort et plus nous avançons dans l’album, que la vie du Prophet Ilja nous est contée, plus la puissance mystique et évocatrice de l’album se dévoile à nous. “WIERSZALIN IV” par exemple est vraiment très bon, ce chant féminin vraiment beau et touchant vient magnifier la dimension mystique du groupe.
Ce premier album de Patriarkh est une belle réussite. Bien que la mue fut compliquée et longue, “Prophet Ilja” continue de faire perdurer une des visions du projet initial, gardant le côté mystique et mystérieux tout en le rendant plus grand public avec notamment ce mix plus ample et “propre”. Si le premier album de Batushka est aujourd’hui culte, c’est bien parce que les deux parties se sont associées et j’ai bien peur que nous aurons du mal à retrouver ce sel si particulier que nous avions sur “Litourjiya” mais force est de constater que Patriarkh est tout aussi légitime et est en capacité de nous proposer un bon album.
PATRIARKH – « Prophet Ilja »
3 Janvier 2025
Napalm Records